Les petites baleines bleues sont les meilleurs bonbons du monde

et moi je ramasse les baleines en tremblant d’avoir laissé la fin du monde toute seule, de n’avoir jamais su quoi en faire sauf

de la poésie

À l’hôpital, on me montre du doigt des formes abstraites, petites vagues grises sur fond noir, une jolie sphère. « Ça, c’est ta veine », et je suis émue de voir cette partie de moi

au fond de ma noirceur

Faut suivre son cœur, mais avant de le suivre, il faut le trouver
Je suis mon cœur : je bloque ma mère sur Facebook

Je remplace ma fatigue par une autre roche
mon cœur par une autre fleur

C’est pour les absents que j’écris. Quand je leur parle, je chuchote, je traîne un immense sac rempli de choses dont je n’ai plus besoin. J’aimerais les déballer, les sortir une à une, raconter chaque facture, chaque stylo. « Mon amour, j’avais perdu mon poumon. Regarde, il était là, avec mon vieux billet de métro »

L’infirmière me demande si j’ai bu de l’eau aujourd’hui

Une fille sur les antidouleurs hallucine des guimauves mangeuses de patates. Sa vulnérabilité presque indécente me fait pleurer. Je la crois quand elle dit que les murs sont en tissu, qu’il y a une fenêtre dans ses draps

Je voudrais dire à l’infirmière que les petites baleines bleues sont les meilleurs bonbons du monde. LES PETITES BALEINES BLEUES SONT LES MEILLEURS BONBONS DU MONDE oups lol Caps Lock. J’ai copié-collé le statut Facebook d’une autre poète[1], le cœur qui bat les yeux fermés

Je n’arrose plus la petite fleur. Ça coupe, la vitesse à laquelle j’oublie d’aimer

Le rideau tombe et j’applaudis, me demande laquelle de mes mains me félicite

Une infirmière n’a pas besoin d’aimer pour prendre soin des autres. C’est sa job. Après son shift, elle met son manteau, elle part faire l’épicerie

Je n’ai pas d’excuse, je n’ai rien, j’ai juste essayé

On me mange à la cuillère en prenant les bonnes parties, en me laissant les parties tristes, les poissons bleus

Je n’ai jamais su quoi en faire
sauf
de la poésie...

Poème et interprétation : Daphné B.
Figuration : Daria Larose-Beaupré et Mila Nelson
Réalisation et montage : Pascal Robitaille
Direction photo : William Gagnon
Prise de son, musique et mixage : Samuel Desrosiers
Direction de production : Jonathan Lamy
Équipement caméra : Main Film Pellicule / Laboratoire : Kodak / Mels

*Ce poème tire son titre d’un statut Facebook de la poète Catherine Côté, avec son autorisation.