Le rire des autres ne m’appartient pas

le rire des autres ne m’appartient pas
on me le lance
il fait mal
m’empêche de dormir

saison de genoux éraflés
il ne faut surtout rien dire
que tout soit lisse
les sourires deviennent théâtre
projet de performance
un acte en dehors de soi

il faut rentrer à la même heure
cacher les ecchymoses
avec un fond de teint volé à la pharmacie

rentrer dans son adolescence
comme on entre en guerre
les poings fermés
les dents serrées
ne pas manger sur l’heure du dîner
l’ostéoporose pour la jeune vingtaine

maman devient ma mère
papa devient mon père
ils sont faciles à oublier
anonymes dans leur amour

il faut une place pour les excuses à rendre
la gymnastique des absences
que l’on prévoit une semaine d’avance
trouver un sens à la neige en plein cours d’histoire
et une raison au tremblement des jambes

l’angoisse de se dire
ce serait terrible de passer à côté de moi
alors on avance
sans trouver le fil rouge

ne pas se faire remarquer
on a rasé les murs
mais ils finissent toujours par repousser
il faut s’essayer à autre chose
s’évader par la fenêtre
pour faire naître les rêves

il faut dire pardon et je t’aime
à cet oiseau qui ne savait pas voler
aux os tout cassés dans l’effort

après la cloche
on se retrouve à rêver mieux
plus fort
les rires se sont éteints
le rire c’est enfin le nôtre
on se rend compte qu’on a survécu encore

on a appris à se tenir debout dans le noir
en attendant la reprise du courant

Poème et interprétation : Gabrielle Boulianne-Tremblay
Figuration : Léo de Lorimier
Réalisation, images et montage : Pascal Robitaille
Prise de son, musique et mixage : Samuel Desrosiers
Direction de production : Jonathan Lamy