Elle s’infiltre
Partout
Dans chaque orifice
Chaque interstice
Ne connaît pas les frontières
Ni les limites du corps
Entre trop souvent par la bouche
Casse les dents
Fait gicler le sang
S’avale de travers
Écharpe l’intérieur
Sur son passage
Fait des milliers de blessés
Écorchés vifs
Glace les nerfs
Sous la peau
Soude les os
Dévore tout
Ne laisse rien derrière
Pas le moindre battement d’ailes
Aucun espoir
Aucune illusion
Qu’une terre dévastée
Froide
Brûlée par l’ennemi
Le ventre rempli de nœuds
Le cœur plein de carcasses
Puis
Quand il n’y a plus rien à ravager
Charcuter
Anéantir
Que le vide a pris la couleur du noir
Elle repart
Par les pieds
Comme une coulée de lave brûlante
La haine est un charognard
Doté de parole
Romancière, nouvelliste et poète, Mireille Gagné est née à l’Isle-aux-Grues et vit à Québec. Elle travaille dans le domaine de la culture et des communications. Elle a publié quatre recueils de poésie aux Éditions de l’Hexagone : Les oies ne peuvent pas nous dire (2010), Les hommes sont des chevreuils qui ne s’appartiennent pas (2015), Minuit moins deux avant la fin du monde (2018) et Le ciel en blocs (2020) et un aux éditions La Peuplade, Bois de fer (2022). Elle a également publié deux recueils de nouvelles : Noirceur et autres couleurs aux Éditions Trampoline (2010) et Le syndrome de takotsubo aux Éditions Sémaphore (2018). Grâce à son premier roman Le lièvre d'Amérique, publié aux éditions La Peuplade (2020), elle est notamment lauréate d'Une ville, un livre 2021, lauréate du Prix de création littéraire 2021 du Salon international du livre de Québec et de la Ville de Québec, finaliste du Prix Les Inrockuptibles catégorie Premier roman, finaliste du Prix Wepler - Fondation La Poste, première sélection 2021 du Prix des libraires du Québec et Mention spéciale du jury du Prix Senghor. Elle aime la chasse et la pêche.
Sa vision de la poésie
La poésie est le lieu de tous les possibles et de toutes les rencontres. C’est parfois marcher sur des terres inconnues ou d’autres fois emprunter des chemins déjà parcourus par plusieurs. C’est creuser profondément les mains dans la terre de notre mémoire et de notre corps pour en tirer des pierres brutes qu’il faut polir et polir encore jusqu’à ce qu’elles deviennent assez brillantes et lustrées pour s’y reconnaître. La poésie doit éclairer les failles et faire jaillir la lumière.
François Guerrette est un jeune poète québécois qui, à ce jour, a publié quatre livres aux éditions Poètes de brousse : Les oiseaux parlent au passé (2009), Panique chez les parlants (2010), Pleurer ne sauvera pas les étoiles (2012) et Mes ancêtres reviendront de la guerre (2014).
Malgré son jeune âge, sa voix s’impose d’ores et déjà dans le paysage de la poésie québécoise. Une voix forte, sauvage, pleine de racines et de violence. Poussé par une urgence de s’exprimer, François Guerrette marque notre mémoire au fer chaud.
Ce que j’aime particulièrement de son écriture : ses images, comme plein de coups de fusil dans notre imaginaire; le lien qu’il entretient avec notre passé et nos ancêtres de même que l’espoir noir qu’il fonde en notre avenir; son champ lexical si près de la nature qu’on entend les bêtes crier derrière ses mots.
Quand dans mes veines le sang ne sait pas où aller, chaque mot prononcé reproduit le bruit rouge que font les oiseaux tués par balle.
Je suis prévenu : il est trop tard pour être sauvage.
Extrait de Pleurer ne sauvera pas les étoiles
La poète, dramaturge et romancière Anne Hébert est une figure marquante du paysage littéraire québécois. Son œuvre est immense et se compose de plusieurs romans, recueils de poésie, nouvelles, pièces de théâtre et même scénarios. Anne Hébert est également détentrice de nombreux prix et récompenses. Elle a notamment reçu trois fois le Prix du Gouverneur général pour Les enfants du sabbat, Les fous de Bassan et L’enfant chargé de songes, le prix Athanase-David pour Les songes en équilibre et le prix Alain-Grandbois pour Le jour n’a d’égal que la nuit.
Son écriture précise, presque tranchante, jusque dans les silences, s’avère d’une grande puissance et pousse le lecteur à l’introspection. Sa poésie, qui combine à la fois le réalisme et le symbolisme, dévoile des images souvent surréalistes frappant l’imaginaire.
J’aime l’univers symbolique, unique et mystérieux de cette poète, comme si en lisant ses textes, on parcourait ses sentiers, ses labyrinthes les plus profonds et intimes. La poésie d’Anne Hébert éclaire d’une manière toute singulière les paysages, les émotions, la réalité, si bien qu’elle nous les fait découvrir de nouveau comme si c’était la première fois.
Il y a certainement quelqu’un
Qui m’a tuée
Puis s’en est allé
Sur la pointe des pieds
Sans rompre sa danse parfaite
A oublié de me coucher
M’a laissée debout
Toute liée
Sur le chemin
Le cœur dans son coffret ancien
Les prunelles pareilles
À leur plus pure image d’eau
A oublié d’effacer la beauté du monde
Autour de moi
A oublié de fermer mes yeux avides
Et permis leur passion perdue
Extrait du Tombeau des rois