je ne milite pas
je tends vers les limites
mon incarnation
s’ouvre
sur tant de possibles
une femme a renversé sa poubelle sur Dufferin à Toronto
j’ai regardé les déchets s’envoler
j’ai vu la beauté du moment
les voitures
son enfant sur le trottoir
j’ai pensé aider
mais je suis restée immobile
fascinée par le spectacle
ma position de poète
je vois
je ne bouge pas
je souhaite qu’un autre s’en charge
je pratique la non-intervention responsable
je suis en train de faire le nécessaire auprès de la société
je vous prie d’en parler tout autour
je me suis acheté un t-shirt des pussy riot et j’ai changé la Russie
put it in my cart
ma carte de crédit sauvera le monde
je suis en train de faire le nécessaire
pour le moment je suis en train de faire le nécessaire
je le répète pour me rassurer
un jour aurais-je trop d’argent?
trop de pouvoir?
est-ce un désir ou une frayeur?
j’ai bien reçu un message
à la maison
de la part des anges gardiens de la semaine dernière
ce n’est pas trop tard pour le moment
je n’ai toujours aucune nouvelle du décès de ma vie
c’est une chance
j’ai encore une journée pour sauver le monde
Maude Veilleux a publié quatre recueils de poésie, Les choses de l’amour à marde, Last call les murènes, Une sorte de lumière spéciale et ghost ainsi que deux romans, Le vertige des insectes et Prague. Elle a également fait paraître un roman web intitulé frankie et alex – black lake – super now dans lequel elle s’interroge sur les possibilités du numérique en littérature. De manière plus générale, elle s’intéresse aux questions d’identité, de réel et de performativité.
Sa vision de la poésie
« Quand on a les cheveux sales, la poésie c’est de se laver les cheveux », a écrit Robert Filliou.
J’aime beaucoup cette perspective. Pour moi, la poésie a une fonction très claire. Presque utilitaire. Une prise de parole. Une lumière. Une pointe de flèche. Un plaster. Une équipe. Un outil.
La poésie sert à me sortir d’un trou.
Anne Sexton est une poète américaine. Une pionnière de la poésie confessionnelle. Provocante et tourmentée, elle aborde des sujets encore interdits aux femmes à l’époque : l’alcoolisme, le divorce, la dépression, les menstruations. Son approche radicale de la vérité lui a valu plusieurs critiques, le plus souvent de la part des hommes. Sa poésie, d’une grande précision, porte la marque du courage. Anne Sexton s’est suicidée en 1974 après plusieurs séjours à l’hôpital psychiatrique.
I could not get you back
except for weekends. You came
each time, clutching the picture of a rabbit
that I had sent you. For the last time I unpack
your things. We touch from habit.
The first visit you asked my name.
Now you stay for good. I will forget
how we bumped away from each other like
marionettes
on strings. It wasn’t the same
as love, letting weekends contain
us. You scrape your knee. You learn my name,
wobbling up the sidewalk, calling and crying.
You call me mother and I remember my mother again,
somewhere in greater Boston, dying.
Extrait de « The Double Image », The Complete Poems of Anne Sexton
Marie-Andrée Gill est une jeune poète de la communauté ilnue de Mashteuiatsh au Saguenay. Ses deux recueils, Béante et Frayer, sont des objets intenses dont les images restent en tête longtemps. Elle y tisse des univers où amour, communauté et nature s’allient.
lécher la surface de l’eau avec la langue que je
ne parle pas
le jour me soulève sur ses épaules pour regarder
le cutex à moitié enlevé des mémoires
le pelage du béton sur nos peaux de farouches
comment prédire autre chose
que des miracles croches
de toute façon
Extrait de Frayer