Ne pas s’en crisser

Ne pas s’en crisser
Du racisme à l’eau de rose
De l’acculturation maligne
De la détresse en haute définition
Des carencés de l’humanisme
Et des suicidés anonymes
Non, ne pas s’en crisser

Vieille maquerelle hypocrite
Sous un bandeau opaque
La justice sociale porte
Sa morale et ses orbites
Évidées

Ne pas s’en crisser
De notre manque de courage
De nos silences assourdissants
De notre complicité tacite
De notre pornographique veulerie
Et des miettes éparses de nos idéaux
Non, ne pas s’en crisser

Se regarder dans les yeux
Assez longtemps assez vrai
Qu’un printemps s’enracine
Qu’on devienne plus que le quart
De la moitié de nous-mêmes

Ne pas s’en crisser
De l’amour à faire
De la grandeur à être
Des vérités à dire
Du pays à naître
Et de nos enfants
Non, ne pas s’en crisser

Lever haut la main
Poser les questions essentielles
Si personne n’ose répondre
Refermer le poing
 

David Goudreault

David Goudreault est travailleur social, chroniqueur, poète et romancier. Premier Québécois à remporter la Coupe du monde de poésie à Paris (2011), il a aussi reçu la Médaille de l’Assemblée nationale (2012), le Prix des nouvelles voix de la littérature (2016), le Grand Prix littéraire Archambault (2016) et le prix Lèvres urbaines (2017). Il a publié quatre recueils de poésie et six romans. À l’automne 2020, David Goudreault endisque 12 chansons originales sur l’album Le nouveau matériel. Encensé par la critique, l’album coréalisé avec Manu Militari fusionne la chanson, le rap et le spoken word. Au bout de ta langue, son premier spectacle solo alliant humour et poésie, a remporté le Prix Radarts, le Prix Accès-Culture, le Prix du jury ROSEQ et le Prix Étoiles Stingray dans le cadre de la Bourse Rideau 2018. Il aura incarné ce spectacle à plus de 400 reprises au Québec, en France et en Tunisie.

Sa vision de la poésie

Dire autrement. La poésie, c’est ressusciter les vivants, rétablir la sacralité des mots et inventer de nouvelles vérités.

Godin est l’incarnation même du poète engagé. Il fut journaliste, recherchiste, directeur de l’Association coopérative d’éditions Parti pris, directeur de l’information pour Québec-Presse, militant souverainiste, professeur à l’UdeM et à l’UQAM, député du Parti québécois dans la circonscription de Mercier, ministre des Affaires culturelles, ministre de la Justice, ministre responsable de l’application de la Charte de la langue française (loi 101) avant de devenir ministre délégué aux Affaires linguistiques et ministre de l’Immigration. Mais surtout, il était un poète. 
Il sera arrêté lors des rafles d’octobre 1970, mais sa soif de justice ne se tarira jamais. Avec sa conjointe, Pauline Julien, il mènera mille batailles pour l’indépendance du Québec, la langue française et la poésie. Il meurt le 12 octobre 1994, à l’âge de 56 ans, emporté par un cancer du cerveau. Toutes ses luttes demeurent d’actualité.  

Par les éjarrés de la vente au plus offrant
par ceux qui nous trahissent pour du cash
et nous chantent la pomme à crédit
j’ai mal à mon pays

Par les peddlers du fédéralisme enculatif
et la ratatouille du pot-de-vin
par les gras durs de radio-cadenas
par les passeux de sapins
les tireux de ficelles
les zigonneux de fonds publics
par tous ceux qui ont des taches de graisse
sur la conscience
j’ai mal à mon pays

Par ces maudits tabarnaques
de cinciboires de cincrèmes
de jériboires d’hosties toastées
de sacraments d’étoles
de crucifix de calvaires
de trous-de-cul
j’ai mal à mon pays
jusqu’à la fin des temps

Extrait de « Mal au pays »
 Libertés surveillées